UNE ÉCOLE PAS COMME LES AUTRES

C’était un lundi de l’année 1970 et les élèves avaient été priées de descendre les escaliers sans se bousculer.

Une fumée épaisse avait envahi les espaces et un pan de mur s’était écroulé sous le feu. Une partie de l’école avait été détruite. Une semaine plus tard les élèves avaient été dispersées dans d’autres collèges.

Une classe avait été ouverte dans une drôle d’école et un petit groupe avait été accueilli dans cet établissement. Parmi les collégiennes, il y avait une jeune fille très timide. Toutes les élèves avaient eu un grand choc en découvrant la cour au moment de la récréation. Elle mesurait 70 mètres carré et d’autres jeunes filles étaient là à les scruter de leurs regards vaporeux et en poussant des cris.

La jeune fille timide avait croisé à ce moment-là le regard de l’une d’entre elles qui était si maigre que sa jupe à carreaux tournait sur ses hanches trop fines, et que ses chaussettes hautes tombaient sur ses chevilles. Celle-ci s’était approchée de la jeune fille timide qui n’avait d’yeux que pour son visage creux et osseux. Elle avait levé sa main pour lui caresser les cheveux et lui avait dit :

Tu aimes ma jupe ? Tu es jolie avec tes cheveux noirs !

Folie, avait pensé la jeune fille timide, c’est un vrai cauchemar !

La détresse était là comme un écho face à la différence.

– Laisse-moi tranquille ! Va-t’en ! lui avait répondu la jeune fille timide.

Mais l’autre jeune fille avait commencé à lui tresser les cheveux et ne l’écoutait plus.

La jeune fille timide s’était alors mise à vomir.

Les premières semaines avaient été difficiles mais ce qu’elle ne savait pas encore c’est que cela allait durer deux ans. Deux longues années où elle allait être tressée à chacune des récréations au milieu des cris stridents de certaines. Mais bizarrement elle n’était plus stressée. Elle, la fille timide parmi d’autres filles si différentes avait découvert une société qu’elle ne connaissait pas, un monde d’hypersensibilité fait de rejets et de jugements intempestifs.

Elle avait trouvé en elle un espace de confiance et avait appris à consoler celles qui pleuraient dans le silence ou l’indifférence.

Ceci est une vraie histoire vécue au-delà de toutes étiquettes et de tous regards.