Louisa la dinde poussa un jour la porte d’une auberge appelée « l’Esprit des Animaux ». Peu de temps après le coucher du soleil, elle demanda qu’on lui serve un peu de soupe et de pain.

– Voilà un repas bien léger, lui dit la poule qui tenait l’auberge. Une grande dinde comme vous devrait se nourrir plus richement.

Louisa lui répondit fièrement :

– J’ai fait allégeance à ma reine de ne jamais me goinfrer et cela jusqu’à la fin de ma vie, tout comme  mes sœurs. Jamais personne n’a trahi le serment de notre aïeule qui s’est affranchie de la gloutonnerie.

Mais la dinde Louisa, alléchée par l’odeur du maïs dorant sur la braise, fut saisie de désir. Car ce mets était celui qu’elle préférait.

Le soir venu, alors que tout le monde dormait, elle se mit à glousser de plaisir, elle se glissa doucement dans la grande salle et porta en son bec l’épi tant convoité.

Dans un éclair de lumière, une vieille dinde apparut. Devant cette apparition, Louisa resta  bouche bée.

La veille dinde soupira et dit tristement :

– Louisa ! Tu n’as pas tenu ta promesse ! Chacune de nous, et cela depuis de nombreux siècles, a fait attention à ne pas se laisser tenter par la gourmandise ou la gloutonnerie. Car jadis, une malédiction a été jetée sur nous à cause de quelques dindes mères qui se sont montrées arrogantes et envieuses envers l’Esprit des Animaux. Malheureusement, ton écart de conduite a réveillé l’ancienne malédiction : j’entends déjà le boucher qui approche !

À ces mots la vieille dinde disparut en laissant la place à un homme qui venait d’entrer dans l’auberge. Celui-ci se précipita sur Louisa, la saisit et lui tordit le cou en un instant. Il la pluma et la fit rôtir aux petits oignons.

Dans la vallée on entendit un chant de Noël entonné par  les villageois.

Et c’est depuis ce temps-là que la dinde est invitée à la table des fêtes entre le marron et le potiron.

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