Il y a longtemps, très longtemps, la vie s’écoulait mélodieusement dans les pays des deux mondes.

La race des hommes et la race des divins vivaient en harmonie et étaient au comble du bonheur.

Ils possédaient tous les biens, la terre était fertile et produisait en abondance. C’est au milieu de ce bonheur que naquit la déesse Tempérencia. Elle était belle et d’une incroyable sagesse. A l’aide de deux vases de couleurs, son rôle était de jongler artistiquement avec le flux de l’existence. Un son mélodieux en sortait et ravissait les habitants qui venaient se plonger dans la magie de l’eau pure et limpide.

C’était un spectacle paisible.

La déesse Outrance, son ennemie de toujours, vivait quant à elle dans les profondeurs. Elle était de nature jalouse et colérique et avait un fort caractère. Elle  voulait vivre pleinement sa vie et était à l’écoute de ses désirs. Un jour, dans un vil élan de fureur, elle alla cueillir une pomme qu’elle cisela et qu’elle couvrit de pierres précieuses.

Le lendemain, elle la jeta violemment aux pieds de Tempérancia. Le bruit sourd fit trembler le sol et déstabilisa la déesse sage. En détournant la tête, un déséquilibre précipita l’un des deux vases parterre et il se brisa en mille morceaux.

Honteuse, Tempérancia pleura à en mourir, et une grande tristesse emplit son cœur pour toujours.

Elle, qui avait la connaissance claire de l’avenir, savait que de nombreuses et terribles discordes allaient diviser les deux mondes et la porte invisible de l’espace divin se referma à jamais. Des milliers de blocs inertes et sans vie furent ensevelis dans les profondeurs des ténèbres. Le monde terrestre fut plongé dans une obscurité totale à jamais.

Outrance se réjouissait de son action cruelle et de ses répercussions, et entendait assurer de la sorte son pouvoir de discordes et de corruptions sur le monde divin pour l’éternité.

Depuis, il se murmurait tout bas que l’arbre des sept péchés capitaux et l’arbre des sept vertus se trouvaient face à face, frustrés de ne pouvoir se toucher et se rencontrer, tout près d’un verger invisible aux yeux des hommes.

Il se disait aussi que les nuages glissaient et dansaient dans un vol d’oiseaux à la vue d’un ruisseau et qu’au coucher du soleil apparaissait une belle et sage créature avec une abondante chevelure. Une mélodie s’élevait dans les airs et ce magnifique spectacle était éclairé par la lune et le soleil.   Telle une poétesse  musicienne, elle transvasait le fil de l’eau à l’aide de deux vases de couleurs imaginaires. Elle essayait de retrouver, en vain, les temps harmonieux perdus.

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