Force

Puissance – moral – résistance – résilience – bonheur – charisme

Sara

Il y a des gens bien nés et d’autres qui le sont moins. Sara faisait partie de cette deuxième catégorie. Elle était brune et menue pour son âge mais son large sourire faisait oublier tout le reste. Depuis toute petite, elle se battait contre tous. A l’école déjà elle n’était pas populaire parce qu’elle ne portait pas les derniers vêtements à la mode. Sa famille était modeste. Son truc à elle c’était les poèmes. Et tout le monde se moquait d’elle. Il n’y avait que pour sa mère qu’elle était extraordinaire. Elle était son trésor, sa petite fleur, son unique amour. Et à travers ses yeux elle se voyait exister. Sara aimait sa maman plus que tout au monde et savait qu’un jour elle devrait vivre sans elle. Depuis longtemps elle était très malade et un matin, Sara le devinait, son cœur cesserait de battre et il faudrait avancer sans maman.

Le jour fatal arriva. Un après-midi de novembre, en cette saison où les gouttes de pluie sont déjà chargées de glace, la conseillère d’éducation vint la chercher en plein de cours de français. Elle était en train de récitait « Demain dès l’aube* » de Victor Hugo. Son poème préféré. Lorsqu’on lui apprit la terrible nouvelle elle se retrouva seule. C’était comme si brutalement la fiction prenait le pas sur la réalité. Et les mots d’Hugo prirent tout leur sens. Les jours passèrent, et elle commença à se construire un monde parallèle. Un monde lumineux face à l’obscurité de la vie. Un monde de couleurs et de possibles. De Sara émanait une joie de vivre qui grisait chaque personne qu’elle rencontrait. Son sourire habillait son visage et ses dents du bonheur illuminaient son âme. Sa résistance aux coups durs, sa force morale face aux obstacles faisaient de Sara une jeune fille charismatique et une femme résiliente qui traversait la vie avec beaucoup de dignité. Sa force intérieure c’était son univers bien à elle. Le monde qu’elle s’était construit pour se protéger de l’extérieur. C’était SON monde.

*Recueil : Les contemplations (1856).

Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.
J’irai par la forêt, j’irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.

Avatar