Il était une fois une petite souris qui s’appelait Roussette. Elle vivait dans une maison aux multiples cachettes et était recouverte d’un pelage plus blanc que blanc. À longueur de journée, elle ne cessait de s’empiffrer de mets et de douceurs. Gourmande à en faire pâlir Gargantua,  elle passait l’essentiel de son temps à choisir avec la plus grande délicatesse et en quantité les aliments qui composeraient son repas suivant. Avec l’expérience, elle avait même élaboré une méthode très personnelle :

1) Il fallait que l’objet du délice lui fasse frémir très subtilement les moustaches qu’elle peignait avec grand soin chaque matin. Une moustache hirsute pressentait une nourriture de mauvais goût.

2) Le test passé avec succès, elle nettoyait soigneusement son bien gustatif à l’eau claire.

3) Elle aiguisait ensuite ses petites dents tranchantes afin de croquer dans le cœur de l’aliment et d’en extraire l’essence en un seul coup net mais intense.

Un matin d’été, alors que la fraicheur de la nuit permettait encore à certains de rêver, elle sentit une odeur fruitée et sucrée lui attiser les narines. A moitié endormie, elle se leva et se dirigea comme envoûtée vers l’odeur enivrante du sucre vanillé. Ses naseaux repéraient la distance qu’il restait à parcourir avant d’atteindre l’objet du désir.

Six pas (de souris), cinq pas, quatre pas, trois pas, deux pas, un pas et elle tomba dans le pot de confiture de fraise. Le bord gluant du contenant l’avait faite glisser la tête la première. Elle piqua donc du nez dans son péché de gourmandises.

Après avoir réalisé l’endroit béni dans lequel elle se trouvait, elle se mit à déguster, puis à manger, puis à se goinfrer et enfin à dévorer la gelée divine.

Arrivée à mi-pot, son ventre se tendit si fort qu’elle pouvait à peine respirer. Elle souffrait d’avoir abusé et, trop lourde, elle n’avait ni la force ni le courage d’escalader le récipient pour en sortir.

C’est à ce moment-là qu’une cuillère, guidée par une main d’homme gigantesque, plongea dans le pot et remua le contenu qu’il restait. Le tourbillon de confiture engloutit Roussette qui peinait à se débattre.

Aussitôt, une petite voix qui n’était autre que celle de sa conscience lui dicta cérémonieusement : « Pour vivre tu mangeras et non pour manger tu vivras ».

« Ainsi soit-il » ajouta la petite souris, bien décidée à écouter la leçon.

Elle prit alors conscience qu’elle devait lutter et la force de ses convictions lui permit de supporter son estomac et de remonter à la surface du pot duquel elle sortit d’un saut, de souris.

Des jours et des jours passèrent sans que rien de palpitant n’arrivât. Roussette aimait pourtant sa nouvelle vie. Elle mangeait moins et équilibré. Elle faisait du sport et ne buvait que de l’eau qui fait courir les filles (Si si ! Souvenez-vous de la publicité). Elle avait énormément minci et allait choisir au marché les fruits et légumes qu’ensuite elle dorlotait avant de les déguster savoureusement. Désormais, elle  prenait du plaisir, comme dans les salons mondains, à honorer sa nourriture qu’elle appréciait avec modération.

Mais un jour, en traversant à toute vitesse le salon d’un trou A à un trou B, elle s’arrêta net, saisie par l’odeur alléchante d’un cookie encore tiède, posé dans une assiette placée sur la table de la cuisine. Partagée entre sa raison et son estomac, la petite souris se demanda un instant : un péché est-il si condamnable lorsqu’il est assumé ?

Et elle se mit à courir… vers son péché de gourmandises…

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