Au moment de prendre ma plume pour parler d’amitié, je me demande si j’ai des amis, de véritables amis, sans aller chercher une amitié comme celle qui liait Montaigne et La Boétie, mais au moins quelques amis…

Tout dépend où l’on place le curseur, entre amis et copains ?

J’ai passé ma jeunesse, enfance et adolescence, dans une ferme isolée de tout village et tout voisinage, seulement entourée de mes parents, mon frère et mes sœurs. Peut-être cet isolement forcé a-t-il contribué à mon manque d’assurance pour aller vers les autres, et surtout lier une amitié profonde avec eux… Je me souviens que déjà à l’école primaire, je pensais que je n’étais pas suffisamment intéressante pour mériter l’amitié de quelqu’un… Les choses ne se sont pas améliorées au collège et au lycée. Bien sûr j’ai donné le change, j’avais des copines et des copains, mais ça n’allait pas plus loin, pas de relations hors cadre scolaire ou très peu… Je n’avais pas confiance en moi, j’étais très complexée, bien qu’ayant d’excellents résultats scolaires, et je voyais les autres comme des agresseurs potentiels… J’avais déjà du mal à m’en sortir avec ma famille, pourquoi aurais-je davantage risqué de m’exposer en allant chercher les autres…

J’ai quand même eu une copine plus proche que les autres de la 6e à la terminale, que je croyais être une amie, avec qui j’ai coupé les ponts lorsque j’ai compris qu’elle convoitait mes amoureux… Je la trouvais beaucoup plus belle et cultivée que moi et pourtant elle me piquait mes mecs. Que cherchait-elle à prouver ? Indéniablement, elle me prenait pour une rivale… J’ai mis un terme à notre relation lorsque j’ai réalisé cela et n’ai plus espéré de véritable ami… A la fac tout de même, je me suis liée à une fille avec qui j’ai toujours une relation épisodique mais solide ; je sais que je peux compter sur elle et vice versa ; nous avons confiance l’une en l’autre. C’est sans doute cela l’amitié… Nous avons construit notre relation petit à petit, et nous sommes épaulées mutuellement, en plus de partager nos bachotages à la fac, nos fêtes étudiantes et nos tourments amoureux…

Je crois qu’en amour comme en amitié, j’attendais trop des autres, c’est mon côté idéaliste… C’est sans doute pour cela que je suis assez seule ; mais je ne m’en plains pas car j’ai appris à aimer ma solitude ; aujourd’hui j’en ai même besoin pour me ressourcer. Avec l’âge et les illusions perdues, je suis heureuse car je n’attends plus rien. Je me sens apaisée de ce côté-là ; si je rencontre de nouveaux amis, tant mieux, et si je rencontre le grand amour ou des grands amours, tant mieux aussi. Si je ne les rencontre pas, il n’y a rien de grave non plus…

Pour en revenir à la définition de l’amitié selon moi, il s’agit d’un lien créé entre deux êtres liés par une affection réciproque forte. Je n’aime pas trop distinguer amour et amitié, car l’amitié selon moi n’est pas un sentiment mais un type d’union volontaire entre des personnes. Ce qui différence amour et amitié, c’est d’une part le désir sexuel que l’on peut ressentir à l’égard d’une personne et d’autre part la force des sentiments ; je n’emploie volontairement pas le mot profondeur car il s’agit plutôt d’une force, une attirance qui nous transporte vers la personne dont on est amoureux et qui crée une dépendance, l’envie et le besoin de voir cette personne, quasiment omni présente dans nos pensées…

En amitié, les sentiments sont plus apaisés. On peut passer beaucoup de temps sans voir ses amis, mais penser à eux, se préoccuper pour eux et savoir que l’on peut compter sur eux, et réciproquement.

Sissou