Voici quelques années, j’avais écrit un texte sous le titre «Loin de chez moi », où je décrivais des endroits que j’aurais aimé habiter. En conclusion, j’affirmais que finalement j’étais très heureux là où je vivais. Un de mes arguments pour justifier ma position disait « J’ai des amis, beaucoup d’amis ». Mais qu’est-ce que cela veut dire « Être amis » ? Comme aurait dit le Prince Hamlet « That is the question »…

Pour trouver une réponse, j’examine cet agenda mental où sont répertoriés ceux que je considère comme étant mes amis. Et cela fait beaucoup de monde. Une première remarque, la grande majorité sont des amis. Il y a moins d’amies. Pourquoi ?

Ces amis se répartissent en plusieurs catégories : il y a d’abord les copains. Ce sont les plus nombreux. Des garçons avec lesquels j’ai partagé des bons moments, souvent dans le milieu associatif. Je suis heureux de les rencontrer, ils me demandent de mes nouvelles et des nouvelles de ma famille. Voilà pour les copains.

Et puis il y a les collègues (étymologiquement, ceux avec lesquels j’ai partagé la même « loi », c’est-à-dire ceux en compagnie de qui j’ai travaillé). Mes liens avec eux sont plus étroits qu’avec mes copains. Certainement parce que si nous avons partagé souvent de bons moments, nous avons aussi partagé des moments de galères, de problèmes graves, voire de deuils. Parfois même, entre nous le ton est monté. Désormais nous nous retrouvons une fois par an pour partager un repas auquel nos épouses sont conviées. Cela tourne inévitablement à la réunion d’anciens combattants, où l’on rabâche souvent les mêmes anecdotes, les mêmes histoires cocasses, mais aussi où l’on évoque des problèmes plus intimes concernant essentiellement nos santés déclinantes… Avec eux, j’échange des vœux pour la nouvelle année. Avec eux, j’échange également les mauvaises nouvelles lorsque l’un d’eux vient à manquer à l’appel…

Cela fait beaucoup de cases dans mon agenda mental… Mais pour la suite, il faut que je mette des choses au point : les Grecs anciens, pour traiter de ce que nous appelons « l’amour » disposaient de trois mots :

Eros, qui désignait l’amour charnel, souvent associé à son compère Thanatos, la Mort.

Philia, qui représentait l’amitié. C’est ce mot qui concerne les amis que je viens de citer.

Agapé : c’était la charité (les curés se croient malins en utilisant cette notion pour parler de « l’Amour » aux jeunes mariés qui eux ne demandent que de s’adonner à Eros !) La charité, c’est l’amour du prochain, c’est-à-dire de n’importe qui…

Cela va m’aider à y voir plus clair au chapitre plus restreint de mes amies. Evidemment, je passe mes « copines » actuelles, femmes d’âge semblable au mien avec qui je partage les mêmes liens qu’avec mes copains. Et j’en ai déjà parlé…

Mais tout au fond de l’agenda, il reste bien des amies qui à un moment de ma vie ont croisé autrement mon chemin. Je repense à elles, et je réalise que nos liens ne procédaient pas complètement de « Philia ». « Eros » était bien présent. Certaines doivent même être qualifiées de « petites amies ». Parmi celles-ci, deux se détachent. L’une d’elle était véritablement devenue une véritable amie, au sens Philia, même si Eros ne fut jamais bien loin. Je la considérais comme une grande amie. Nous échangions beaucoup de choses, au niveau sciences, poésie, métaphysique, culture, arts, amour etc. Et puis nous nous sommes perdus de vue dans le brouillard de l’évolution de nos vies.

Un peu plus tard, une autre a suivi un chemin semblable dans mon affection.

Mais là, c’est une autre histoire, car celle-ci, je l’ai épousée…