Ô toi, Fidèle Lecteur, qui a suivi nos expériences littéraires depuis la nuit des temps ! Tu croyais connaître tous les courageux aventuriers qui ont accepté d’exposer leurs modestes écrits à la critique cybernétique, tout ça pour alimenter ce blog farfelu ?

Eh bien non, tu ne les connais pas tous… sauf si tu es très curieux et que tu es allé jeter un coup d’oeil à la page de présentation des contrivuteurs… dans ce cas, nous te demanderons de te faire le plus discret possible pour ne pas foutre en l’air notre effet d’introduction, sur lequel nous avons longuement, très très longuement réfléchi !

Et donc, parmi ces contributeurs qui demeurent encore un mystère pour toi, ô Fidèle Lecteur, il y a le très circonspect Marabout, digne (et rare!) représentant de la gente masculine dans nos ateliers d’écriture.

Ce qu’il y a de formidable avec Marabout, c’est qu’il écrit admirablement bien. Ce qu’il y a de beaucoup moins formidable, si l’on en croit ses fans, c’est qu’il écrit trop peu !

Voilà pourquoi nous n’avons d’autre alternative que de présenter cette improvisation sur le tableau de Juan Gris « Man in the cafe » rédigée à l’occasion du cycle d’écriture sur la guerre 14-18. Marabout y donne un bref aperçu de son talent. Mais que ses admirateurs se rassurent : la préparation de la revue Zin’o’script l’a contraint à produire davantage. Ce qui tombe plutôt bien, puisque Marabout aime ça, la contrainte… du moins pour l’écriture… et du moins selon ses dires…

MAN IN THE CAFE

Aujourd’hui n’est pas un jour ordinaire car, enfin, j’ai rendu mon habit militaire ! J’ai retrouvé mon chapeau, mes souliers vernis, mon plastron blanc ! Je peux enfin goûter le bonheur de voir et d’être vu, le plaisir d’être seul et de partager le bon air du printemps, le bourdonnement de la ville en vie et le chuchotement des passants.

Après le gris des uniformes, la monotonie des lits au carré, l’assourdissement des ordres hurlés résonnant contre les enceintes aux murs de barbelés, comment me reconstruire, me retrouver, effacer les stigmates d’un lavage de cerveau continu ?

Sois calme ô mon esprit et oublie ce que tu vois venir ! Sur ces terrasses à l’ambiance paisible s’accumulent les germes d’un avenir mouvementé. Les barbelés accrochent mes pensées ; vont-ils déchirer mon corps ? La fumée monte mais le feu pourrait bien s’étendre ! Le monde est en train de changer et les grands empires se fragmentent. L’unité visible cache difficilement les fractures identitaires, les risques d’un éclatement des modèles anciens, figés, dépassés.

Un nouveau monde va apparaître. Dans quel fracas ? Dans quelles douleurs ? Qui seront les héros ?

Texte : Marabout