LES JOURS ROUGES

Les jours étaient rouges depuis plusieurs semaines.

Thémis se lamentait sur son trône :

– Pourquoi, pourquoi jadis vous mes frères avaient mutilé notre père Ouranos sans m’avertir ?

Pourquoi Cronos t’es-tu servis de ta serpe contre lui ?

Et maintenant Zeus te voilà très en colère envers notre fils Prométhée.

Les souvenirs remontaient à la surface de la déesse et les larmes glissaient le long de ses joues pâles.

Le règne de leur père avait pris fin depuis plusieurs années et l’Âge d’or avait été supplanté par la domination de Zeus qui était furieux après leur fils Prométhée.

Elle se souvenait de la sentence rendue par ses frères où l’épée avait servi et de son mariage avec son neveu Zeus à qui elle avait donné beaucoup d’enfants.

Les Trois Heures naquirent ainsi que les Trois Parques et bien d’autres encore.

Maintenant elle était fatiguée et lasse. Elle avait mis son bandeau sur les yeux, elle, la plus grande prophétesse que les cieux n’avait jamais eu, ne voulait plus rien voir.

Les Trois heures voyant leur mère si triste décidèrent de l’aider. Dicé se mit à inspirer les premiers juristes parmi les hommes , Eunomie amena le bon ordre et Irène la paix.

C’est alors que les Trois Parques , Clotho, Lachésis et Atropos , se mirent à épier le destin des hommes pour aider elles aussi leur mère. Ainsi, l’épée de Thémis fut remplacée par les ciseaux pour le dernier des jugements par les terribles déesses qui impitoyablement coupaient le destin des uns et des autres.

Thémis engendra encore et encore des enfants et parmi eux se trouvait Astrée qui se mit à diffuser le sentiment de justice et de vertu dans la société des hommes.  Mais celle-ci fut vite déçue par ce qu’elle voyait chez les humains et, écœurée,  elle se réfugia dans la constellation de la vierge.  Cela chagrina encore plus Thémis qui enleva son bandeau pour voir les Trois Heures devenir les saisons, l’automne n’existait pas encore en ce temps-là.

Elle regarda ses filles, les Trois Parques,  si impitoyables et les Trois Heures, si bienveillantes. Elle pensa aussitôt que les plateaux de sa balance étaient bien équilibrés et qu’il était l’heure de supplier Zeus de ne plus l’aimer sans le perdre car elle ne voulait plus d’enfant. Elle savait bien que cette démarche était complexe et qu’un sentiment d’injustice avait été formulé ; celui de son enfance et de sa mère Gaïa qui ne voulait plus porter elle non plus les enfants d’Ouranos.  Elle pleurait encore le manque de procès envers ce père si cruel qui dévorait ses propres enfants et qui refusait par ce geste de voir grandir les enfants du futur. Elle comprit que les jours rouges avaient commencé cette nuit-là.

Elle mit alors au monde une nouvelle fille, Eiréné, la déesse de la paix.

Enfin apaisée, Thémis put trouver un stratège pour aider son fils Prométhée à échapper à la fureur de Zeus.

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