Il y a très longtemps, une plage bordée de dunes cachait un lieu sacré et enchanteur au milieu de marécages.

Cet endroit rassemblait quelques paisibles troupeaux de taureaux, de chevaux sauvages, de flamants  roses et d  ‘espèces d’oiseaux.

Sur une piste caravanière,  sillonnaient des roulottes de couleurs arc en ciel, la piste aboutissait à un cirque dallé de mosaïques splendides.

C’était un lieu de pèlerinage.

Les gens du voyage venus de partout se retrouvaient pour partager chants, danses et prières.

Un soir Maria, la diseuse de bonne aventure, aperçut un jeune homme à peine sorti de l’adolescence.

Il était coiffé d’un étrange bonnet jaune, comme celui des bouffons, orné d’un pompon, sa tunique rouge était brodée de bleu et ses chaussures rouges.

Il portait un sac en bandoulière et un bâton de buis.

Celui-ci avançait d’un pas rapide, un masque de tristesse sur son visage.

Maria s’approcha de lui :

– Où vas- tu l’ami?

– Je rentre chez moi, voici des jours et des jours que je marche, une force surnaturelle m’a guidé à cet endroit.

– Pourquoi ne pas t’arrêter et reprendre des forces, te reposer ici avec nous?

– Madame, je dois sauver mon âne.

– Ton âne, dit Maria en riant.

– Oh ! madame, j’ai confié ma bête à un mauvais fermier à quelques milles d’ici. Félicien a été jeté dans un puits pour y être enterré vivant.

– Pourquoi avoir confié ton âne ?

– Mon papa est mort, maman était inconsolable alors nous sommes partis vivre à la montagne où ma marraine vit dans la maison du paon qui est entourée de trèfles à quatre feuilles. Le paon aux plumes d’or pond chaque jour un oeuf au pouvoir guérisseur.

– Un paon guérisseur ?

– Un vrai conte de fée répondit Colin : un jour un prince venu des Indes s’arrêta chez marraine. Il faisait très chaud. Un fidèle de sa majesté vint demander un peu d’eau fraîche qui sortait d’une roche. L’hôtesse de maison les accueillit sous l’ombre d’un grand pin parasol et leur servit à boire. Soudain un cri sonore se fit entendre, un paon et sa paonne s’approchèrent, ils vivaient en toute  liberté et voyageaient avec leur beau prince.

Leurs plumages bleus et or étaient scintillants et d’un brillant exotique. Marraine leur donna des graines et des  céréales. La paonne s’éloigna pour couver et quelques minutes plus tard , un petit oisillon aux plumes d’or se mit à brailler. Le prince prit l’oiseau et l’offrit à marraine pour honorer son accueil.Ce paon, au plumage doré et violet, est connu pour sa queue magnifique qu’il peut déployer en roue de lumière, ses œufs  ont un grand pouvoir guérisseur.

Maria la gitane saisit la main de Colin et lut les signes, un véritable livre se dit-elle.

Il vivait dans une grande pauvreté, mais il était doté d’un grand talent.

Rien ne serait facile pour lui.

Que de doutes,  affrontements, bouleversements.

Que de travail !

Un talent reconnu et l’amour.

– Pour Félicien dit-elle, je vois le fermier entouré de ses proches voisins, ils sont ébahis et surpris par la réaction de ton âne, vieux et inutile pour eux, lorsqu’ils ont commencé à l’enterrer dans le puits tari qui devait lui servir de tombeau.

Au début, ton âne s’est mit à crier terriblement, puis il s’est tu.

A chaque pelletée de terre qui tombait sur lui, il se secouait et montait dessus.

Puis il a réussi à sortir du puits je ne sais par quel miracle et s’est mis à trotter très vite pour s’échapper.

A présent il est rentré chez toi.

Le visage de Colin s’anima.

– Madame, dit-il en rougissant et il l’embrassa.

Maria émue, lui donna ce message : libère ton esprit des inquiétudes, secoue-toi et fonce.

Puis, lui chuchota au creux de l’oreille :

– Rappelle-toi  Colin, tu ne pourras l’utiliser que trois fois.

Les années passèrent, le pèlerinage ramenait les gens du voyage à l’endroit sacré.

Un jour, un bel inconnu, vêtu de soie bleue s’approcha de la vieille Maria, alitée et aveugle et lui remit une bourse remplie d’or.

– Qui es-tu l’ami?

– Maria, mon étoile, mon guide, que d’ épines sur ma route pour arriver jusqu’à vous. Trahisons, deuils, chagrins et solitude. A chaque renoncement, je me rapprochais de vous. A chaque découragement, mon esprit vous cherchait. A chaque lassitude, je m’accrochais à votre sagesse.

Colin eut un triste sourire à la pensée de ce long parcours.

Il lui raconta  ses erreurs, les promesses non tenues, ses désespoirs.

Puis ce beau soir d’été, sous un ciel étoilé, cette rencontre féerique qui fit basculer sa vie.

Il jouait du piano dans un restaurant en bordure de mer.

Lors de sa pause, un homme au visage accueillant s’ avança vers lui.

– Un merveilleux hasard lui dit-il ! Vous êtes un virtuose avec une grande habilité technique, doué dans ce domaine, suivez- moi à Zurich, réfléchissez, demain rendez-vous à l’aéroport.

– Maria, vous m’êtes apparue dans mon rêve et je suis parti. Vous m’avez appris que chacune de nos épreuves est une pierre qui permet de progresser,

que  nous pouvons tous sortir des puits, même des plus profonds. Il ne faut jamais abandonner. Vous avez devant vous un musicien reconnu dans le monde, un pianiste. Une femme merveilleuse a croisé ma route et nous vivons dans un parfait bonheur avec  nos trois filles, maman est toujours dans la maison du paon et marraine nous a quitté.

Mais tout cela vous le saviez n’est-ce pas Maria !

La gitane lui prit sa main et eut son dernier sourire.

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