HISTOIRE D’EN RIRE !

N’avez-vous jamais été obligé de vous forcer à rire ?

C’est pourtant ce qui arriva, il y a fort longtemps, à une petite fille pensionnaire d’une sinistre institution de province.

Contrainte au silence absolu pendant les repas pris au réfectoire de l’internat, une fois elle n’avait pu contenir son fou rire. Sa voisine de table, incorrigible bavarde, venait de lui raconter une histoire.

Hélas, la directrice, petite femme acariâtre et insensible, l’oreille aux aguets, avait immédiatement été alertée par cet excès de gaîté. Dès lors, elle avait fondu sur les péronnelles et leur avait dit :

« Mesdemoiselles, puisque vous aimez tant rigoler, vous viendrez cet après-midi dans mon bureau afin de donner libre cours à votre hilarité ».

Et c’est ainsi que, durant plusieurs heures, les genoux sur une règle en bois et les mains sur la tête, elle avait dû se forcer à rire et à rire encore jusqu’à en devenir écarlate. Tout son corps, de sa mâchoire crispée en passant par sa gorge enflammée jusqu’à ses genoux blessés exprimaient alors la souffrance et l’humiliation. Cela avait été un cauchemar, une punition aussi cruelle qu’inutile !

Mais de ce jour-là était née une belle complicité entre elle et sa compagne de pénitence. Longtemps, elles avaient pu compter l’une sur l’autre pour supporter les injustices qu’elles subissaient et alléger leurs peines et leurs chagrins.

Si ce souvenir reste encore présent dans ma mémoire, je l’évoque désormais avec plus de légèreté et de détachement. Qu’importe, le temps a passé et cette blessure s’est peu à peu fermée. Le croirez-vous, il m’arrive même d’en rire tant cette histoire paraît surréaliste.