Au temps jadis, vivait dans les bois un génie. Il était le dernier génie, les autres avaient disparu sans que l’on ne sache pourquoi. Il vivait caché non par peur mais parce qu’il était très laid. Il sortait se promener à l’aube ou à la tombée de la nuit ainsi il était sûr de ne rencontrer personne. Un soir lors de sa promenade, il écouta le vent converser avec les feuilles. Celui-ci parlait d’une très belle jeune fille aux longs cheveux bruns et aux yeux émeraude. Elle se nommait Caridad. Les garçons des villages alentours en étaient tous amoureux et les jeunes filles jalousaient sa beauté. Mais garçons et filles en avaient très peur, car Caridad était une fille méchante et cruelle.

Le génie étonné de ce qu’il entendait demanda au vent pourquoi elle se comportait ainsi alors que la nature l’avait gâtée. Le vent  ne sut que répondre. Il se tut et la forêt s’endormit.

Le lendemain, le soleil caressait à peine la nature de ses doux rayons, que le génie sortit cueillir quelques baies pour son petit déjeuner.

Soudain, un craquement de branches le poussa à se cacher dans le fourré. C’est alors qu’il aperçut une jeune fille. « Caridad ! » murmura-t-il ému par tant de beauté.

Celle-ci regardait d’un air moqueur un oisillon tombé du nid. Il se débattait pour se dresser sur ses pattes et poussait des petits cris pour que sa mère vienne à son secours. Caridad prit délicatement l’oisillon, lui fit une petite caresse et le déposa un peu plus loin devant un terrier. Puis, éclatant de rire, elle lui dit « ou tu grandis et tu voles ou tu te fais croquer et tu meurs ». Le génie  frissonna d’horreur en entendant ces mots, mais ses yeux ne pouvaient se détourner de la beauté de Caridad. Il se mit à la suivre, oubliant qu’il aimait vivre caché.

En sortant du bois, elle rencontra une vieille femme qui avait chargé sur son dos un gros fagot de bois.

– Bonjour vieille femme, dit-elle d’une voix cristalline,  cela doit être lourd ? Avez-vous besoin d’aide ?

La vieille femme, dans un soupir, répondit que oui. Alors Caridad s’approcha du fagot et prit juste une branchette. Ce faisant le fagot se détacha et tous les branchages s’étalèrent.

– Et bien pauvre femme, si tu veux te chauffer, il te faut tout ramasser cria-t-elle en courant.

Arrivée au village, elle vit une forme hideuse assise sur les marches de sa maison.

Elle ne put réprimer une grimace de dégoût.

– Qui te permet de t’asseoir là ! dit-elle avec agressivité.

-Je suis un génie, je suis là pour t’aider. Je sais que tu n’as pas de famille, et pas d’amis. Tu te sens seule et abandonnée. C’est pourquoi tu es si méchante avec le monde qui t’entoure. Je peux t’aider.

Caridad l’écoutait avec attention, une larme coula sur son visage.

-Je peux exaucer chaque mois un de tes trois souhaits pour t’aider à devenir meilleure, ainsi tu pourras te faire des amis et rompre ta solitude.

-Oh merci ! dit Caridad d’une voix qui se voulait plus douce. J’aimerai  tant devenir  généreuse.

Durant le premier mois, Caridad partagea ses jolies robes avec les filles du village et leur fit don de ses bracelets. Puis elle offrit de son temps à la vieille dame, en venant lui faire la lecture,  en ramassant son bois. Les gens du village commençaient à lui faire confiance.

Le mois suivant, elle retrouva le génie assis sur le perron de sa maison.

– Je vois que tu progresses, quel sera alors ton second vœu ?

– Je veux être plus humaine, plus douce.

C’est ainsi que tout le village l’adopta. C’était une tout autre jeune fille, souriante, attentionnée, empathique.

Lorsqu’elle se promenait dans le bois, elle caressait les fleurs, aidait les petits animaux, les oiseaux chantaient à tue-tête. En sa présence, le bois devenait un lieu enchanteur.

Le génie était ravi de ce changement, et surtout il était de plus en plus sous le charme de sa nouvelle amie.

Le troisième mois arriva.

– Petit Génie dit Caridad de sa voix douce, je pense que je n’ai pas besoin du troisième vœu. Aussi, je veux le faire pour toi. Je sais que tu souffres de ta laideur et comme un génie ne peut être transformé en homme tu pourrais devenir un joli papillon.

Le génie fut touché par sa générosité et acquiesça.

Elle l’invita à entrer dans sa maison pour être à l’abri des regards des villageois.

Le dernier souhait fut exaucé. Le génie se transforma en un beau papillon aux couleurs chatoyantes.

– Pose-toi sur ma main proposa-t-elle avec douceur.

Il avait tellement attendu ce moment qu’il en rougit de plaisir.

Mais aussitôt sur sa main, il se trouva transpercer par une épingle  et accroché sur un tableau à côté de centaines d’autres papillons. Il comprit dans ses derniers instants où avaient disparu les autres génies. Comme eux, il s’était fait envouter par la beauté de Caridad.

Un rire cruel se fit entendre :

– Je m’appelle Echidna et non Caridad.

C’est alors seulement qu’il remarqua sa monstrueuse queue de serpent.