Devant l’armoire où s’entassaient des cartons je remarquai une enveloppe jaunie qui dépassait d’une boite. Iris, ma vieille voisine, surprenant mon regard se leva et me tendit l’enveloppe où se trouvait cette inscription :

Lettre à Iris Rot au jardin des désirs

3 rue des écoles à Paris.

Assise au bord du lit, je me mise à lire à haute voix la lettre qui l’accompagnait.

16 Octobre 1948

Chère Iris,

Ce matin, un radiant soleil a brûlé ma peau. Un feu de passion, fruit de mon amour interdit, a grondé à travers un orage chargé d’électricité. Et voilà qu’à présent une senteur de rose flotte dans l’air de mon salon et qu’à travers mes larmes quelque chose brille au fond de mes pensées sauvages. Cela me ramène à ton doux souvenir, très chère Iris. Cet homme, tel un papillon, vole de femme en femme et me laisse en plein désarroi. C’est alors que je me souviens de la sincérité de notre amitié, une vraie affinité faite de complicité. Et je me rends compte que je t’ai négligé, trahi, et oubliée. Aujourd’hui je m’interdis de te téléphoner pour ne pas gâcher encore plus notre amitié flétrie par cet homme entre nous.

Ce soir j’irai m’asseoir sur notre balancelle, au fond de mon jardin, pour réfléchir sur cette célèbre phrase : To be or not to be de William Shakespeare, et je me poserai la question pour savoir qui je suis car tout là est la question maintenant que j’endure de la souffrance.

En espérant retrouver la paix de mon âme et ton pardon.

Ta dévouée,

Dalila

A la fin de ma lecture, je levai les yeux vers Iris qui murmura :

– La vie est parfois illusion et le rêve de Dalila s’est transformé en papillon volant de fleurs en fleurs. Dalila m’a attendu tous les jours au fond du jardin m’a-t-on dit, mais la balancelle n’est plus aujourd’hui.

Iris essaya une larme qui coulait sur sa joue en se rappelant un instant la senteur d’un temps ancien qui se diffusa à travers l‘enveloppe jaunie.

La vieille femme tourna la tête en souriant au soleil qui venait lui caresser la joue et réchauffer son cœur.