Elisa est une petite fille de neuf ans. Ce matin elle a mal au ventre, en fait elle ne veut pas aller à l’école. Mais sa maman n’est pas dupe et l’aide à se préparer comme à son habitude. Sur le chemin, elle rencontre Timothée qui comme elle marche d’un pas lent, espérant ainsi arriver à l’école pour la sortie. Après un bonjour rapide, le silence s’installe entre eux mais cela ne les gêne pas, au contraire ils l’écoutent. C’est un silence d’empathie que chacun a pour l’autre au sujet de leurs craintes réciproques. Ils savent tous deux que la maîtresse va parler du manque de confiance en soi et susciter un débat. Pour eux, c’est plus qu’un manque, c’est une absence totale de confiance. Elisa envie certaines de ses camarades de classe. Marlène par exemple, qui répond toujours aux questions avec assurance et récite ses poésies avec aisance. Elisa pourrait aussi répondre, car ses leçons, elle les connait par cœur. Mais parler devant ses camarades la fait bafouiller et rougir ce qui provoque des rires moqueurs. Timothée, lui, est en difficulté car il écrit ou lit souvent les mots à l’envers. Alors il se tait. Seul le dessin lui procure du plaisir, il faut dire qu’il est très doué. Ecoutant toujours leur silence, ils ne voient pas Marcus et Brutus arriver. Ce ne sont pas leurs vrais noms, mais c’est ainsi que Timothée les nomme. Pour cause, Brutus lui fait un croche pied en le dépassant. Timothée regarde timidement Elisa, ses yeux lui disent : « Avec ma petite taille je ne peux pas le battre. J’aimerais être fort, je pourrais nous protéger. » Yvette et Santina les dépassent en lançant un joyeux bonjour. Le long du chemin, toutes deux rient aux éclats car Yvette, comme à son habitude, fait le clown en mimant des animaux. Les yeux d’Elisa brillent, elle envie la spontanéité d’Yvette et rit dans son cœur des mimes de sa camarade. D’ailleurs le soir, il lui arrive souvent de raconter à son ours sa journée et de refaire geste pour geste ceux d’Yvette. Son ours rit aux larmes mais elle seule peut le voir.

Timothée comme Elisa vivent par procuration les bons moments de leurs camarades. Ils boivent leurs paroles mais attention, ce n’est pas de l’admiration. C’est juste qu’ils aiment « oser » comme eux. Ils approchent de l’école, leurs craintes troublent leur dialogue silencieux. Comment parler de leur manque de confiance ? Comment dire que l’on n’a pas de valeur, que l’on a peur du jugement de l’autre et des moqueries ? Comment expliquer que c’est une petite porte qui se ferme à l’intérieur de nous pour nous protéger alors qu’on aimerait tant aller dehors ?

Les voilà en classe, le chahut des chaises et des tables, les ricanements pendant l’appel, puis… le sujet « Le manque de confiance » tombe avec un grand silence sur la classe. Pendant quelques minutes, il n’y a pas un bruit, pas une moquerie, pas un doigt levé. Ce silence s’étend et vient toucher Elisa qui se lève et commence à parler sous l’œil étonné de l’enseignante et des élèves. Elle raconte combien il est difficile d’ouvrir cette petite porte intérieure, de montrer qui elle est vraiment. Elle avoue qu’elle envie les pitreries d’Yvette, qu’elle adore la poésie et qu’elle aimerait la lire à haute voix, mais le regard de ses camarades la paralyse. Elle marque une pause pour reprendre son souffle. Timothée choisit ce moment pour dire qu’il est dyslexique et qu’il travaille pour se corriger mais ce n’est pas facile. Il regrette sa petite taille qui l’empêche de se défendre, mais au fond de lui il sait qu’il n’a pas peur. Pourtant il tressaille quand Brutus se lève en faisant tomber sa chaise comme à son habitude. Mais à son grand étonnement, ce dernier lui présente ses excuses pour l’avoir souvent brutalisé. Il reconnait que son papa lui dit souvent que pour devenir un homme il faut être fort et ne pas se faire commander. Puis il ajoute d’une voix douce qu’il aimerait beaucoup que Timothée lui apprenne à dessiner. Il rougit et se rassoit. Timothée semble grandir sur sa chaise. Yvette dit alors que faire rire lui permet de cacher sa timidité. Les voix s’élèvent, chacun avoue qu’il est parfois difficile de grandir car on se compare aux autres et on perd confiance au regard de ce qu’on ne sait pas faire. Alors Elisa se lève à nouveau et dit d’une voix claire et assurée : « Nous taisons notre manque de confiance, pourtant quand il est dit à voix haute, nous pouvons ouvrir notre petite porte intérieure et laisser sans crainte sortir l’enfant que nous sommes vraiment. »

En avouant cela, Elisa comprend qu’elle vient de faire un premier pas vers la confiance en soi. Elle sourit, Timothée aussi.

Plume Do