Giono 

Lire Giono est une aventure où la condition humaine se mêle aux jeux de forces d’une nature omniprésente, vibrante et imaginaire. Son style m’enivre. Son œuvre romanesque, dans l’univers provençal, nous conduit dans les hauts-pays de montagne, âpres et secs des rocailles, où la sagesse paysanne et la noirceur de l’âme humaine cohabitent au sein d’espaces énigmatiques, palpitants et impitoyables. Chez Giono, les fleuves sont de longs serpents à écailles. Des vents brutaux gémissent sur les plateaux. Les mains du berger sont calleuses mais il a des rêves, et les moutons ont la laine épaisse des races alpines. L’hiver efflanque la terre de ses morsures de bête mais les forêts engraissent au printemps. Des juments à l’échine râblée foulent du pied l’herbe des prés. Et des odeurs ventrues flottent dans les maisons pierreuses. Lire Giono est une aventure mystique au sein de mondes qui n’existent plus mais qui restent comme une inspiration. Alors « Que ma joie demeure » !

Stanley et Frantz

À dix-huit ans, je n’avais encore gagné ma province, je découvrais dans une salle obscure le film « Barry Lyndon » réalisé par Stanley Kubrick. Ce fut un double choc pour un film et sa bande son. Particulièrement pour une pièce de Frantz Schubert qui porte un titre bien simple pour un chef-d’œuvre : trio opus 100 adante con moto pour piano, violon et violoncelle. Une partition écrite peu de temps avant la disparition du compositeur, à l’âge de trente-et-un ans. Ce film conte l’histoire d’un jeune homme pauvre mais opportuniste qui veut s’élever dans la haute société de son époque. L’harmonie musicale associée aux images soignées du film, avec ses éclairages à la bougie, constituaient une immersion dans un XVIIIe siècle frôlant l’authenticité comme jamais. Du temps de la jeunesse qui cherche son identité, ce trio à cordes libéra en moi des affections mélancoliques refoulées dans la tourbe de l’âme. Depuis je n’ai pu dissocier le talent du jeune compositeur allemand et celui d’un réalisateur visionnaire. Est-ce la raison pour laquelle mon admiration ne s’est jamais émoussée ? Entre nous, je l’avoue, j’ai revu ce film une quinzaine de fois. Une bien douce addiction.

Mon Prince

Après trois décennies, te voilà qui réapparais encore une fois au-devant de ma mémoire. Robe épaisse de jais, yeux de jade, oreilles courtes et front large, allure raffinée, oh mon bel ami ! Être parfait de calme et d’élégance, dont une odeur de foin, à l’origine mystérieuse, exhalait perpétuellement de ta peau soyeuse. Chaque nuit, nous dormions ensemble toi et moi, flanc contre flanc, chaleur contre chaleur, ronronnement contre enchantement. Comme il était doux de vivre en ton palais, prince persan des mille et une caresses, et d’avoir choisi d’être ta servante.