A CASA D’IRENE – Chronique du confinement
Voici que s’achève la quatrième semaine du confinement.
Depuis le début de cet épisode inédit de notre histoire, j’avoue que je suis quelque peu
désorienté.
Ma vie est d’ordinaire très imbriquée dans une fréquentation proche de mes semblables :
randonnées, conférences, gymnastique, atelier de peinture, atelier d’écriture, shoppings
divers et variés… Et puis tout d’un coup, finito.
Le temps depuis le début de cette aventure (car c’est bien une aventure puisqu’on ne sait
pas du tout où cela va nous mener…) ne m’a jamais paru aussi inexistant : je prétends
depuis longtemps que le temps n’est qu’une illusion, et que notre vie se déroule en fait dans
l’éternité.
Jamais cette idée fixe ne s’est trouvée aussi renforcée que maintenant !
La vie que nous menons actuellement me rappelle une vieille chanson triste, toute en
accords mineurs, en tête du hit-parade italien dans les années soixante : « A casa d’Irene ».
Un couplet commençait par les paroles « Giorni senza domani », qui se traduit en français
par « Jours sans lendemain ». Voilà bien ce qui nous arrive aujourd’hui, tous nos jours se
ressemblent, hier, aujourd’hui, demain, c’est du pareil au même ! En plus, la météo semble
s’être calquée sur les circonstances, nous proposant une suite semblant sans fin de journées
magnifiques…
Autre chose me vient à l’esprit, ce film américain fantastique qui s’intitule en français « Le
jour sans fin ». Il met en scène un journaliste, Bill Murray, pris dans une aberration
temporelle qui lui fait revivre chaque matin le même jour, scandé par une rengaine toujours
identique sur son radio-réveil. Ce malheureux personnage met son exil temporel à profit pour
tenter de conquérir le cœur de la belle Andie MacDowell, qui finira lors de la nième version
de cette journée, par répondre à son amour, mettant fin par la même occasion au piège
temporel infernal.
Oh, on ne peut pas dire que l’on s’ennuie. D’abord, le confinement à deux laisse la place à la
conversation. Je pense souvent à ceux qui sont seuls. Comment font-ils ? Le téléphone
peut-il les aider ?
Et puis il y a le jardin, espace de « déconfinement » limité, soit, mais bien là. Je pense
souvent à ceux qui sont dans un appartement, avec en plus des gosses à gérer toute la
journée… Comment font-ils ? Les bons conseils journalistiques et autres
« tutos résosociesques » peuvent-ils les aider ?
Si cet état permet de se ménager de longs moments sans véritable activité, propices à
réfléchir, voire à faire la sieste, il présente le danger de laisser s’installer insidieusement une
très fâcheuse invitée : la paresse.
C’est pour cette raison que, sincèrement, cela commence à me peser. J’ai hâte de revoir les
copains, de courir les sentiers, de faire les magasins librement. J’en ai marre de ces
journalistes qui croient malin de demander aux célébrités « Et que ferez-vous dès que le
confinement sera terminé ? » Et ceux-ci se croient obligés d’affirmer qu’ils courront
embrasser leurs petits enfants…
Pour ma part je sais bien ce que je ferai : je prendrai ma voiture et je filerai voir la mer.

Richelieu