Chaque jour, des adeptes venaient adorer la jeune déesse qui se tenait dans le naos,  partie la plus protégée du temple. Les prêtres veillaient  à ce qu’elle ne fasse rien d’autre qu’assurer l’équilibre des deux mondes , terrestre et divin, en faisant passer l’eau d’un vase dans l’autre, ce dont elle s’acquittait  sagement les yeux toujours baissés.

A chaque nouvelle lune, en son honneur était pratiquée une hécatombe c’est-à-dire qu’on lui sacrifiait cent taureaux. Un vrai bain de sang dans le bassin devant l’autel où flottaient ce jour -là des têtes, des dos, des cornes, une orgie de chairs lacérées, découpées ; cependant que, dans le naos, l’eau   passait  d’un vase à l’autre inlassablement.

Dernière une colonne se dissimulait Epaphos, un demi- dieu fils de Zeus,  attiré par la belle Tempérancia. Il n’était jamais à court de prétextes pour rester le plus possible dans le pré-naos d’où il pouvait admirer son idole.

Pour célébrer l’équinoxe de printemps qui marquait les débuts des guerres à Athènes, Epaphos savait que tous les soldats viendraient déposer leurs offrandes avant de partir en campagne et qu’ainsi les environs du temple seraient plus tranquilles.

Dans la demeure d’Epaphos,  le sol était jonché de plans, dépliés, enroulés, ébauchés, avancés …, aux murs, d’autres dessins dévoilaient les entrailles d’une machine alambiquée ; tandis que le jeune homme tremblant s’affairait autour d’une étrange construction.

Lorsqu’il fut certain du départ des guerriers, un clair matin, Epathos sortit le char solaire qu’il avait mis au point. L’astre lumineux fournit  l’énergie nécessaire à mettre en marche un nombre astronomique  de chaines, de poulies, de plateaux et de leviers. Le demi-dieu dirigea sa mécanique  vers le sanctuaire où se trouvait Tempérancia et se mit à tourner autour de l’édifice.

La sage déesse, absorbée par sa charge, crut d’abord à un orage. Puis, devant la persistance de ce boucan d’enfer, elle osa lever les yeux et aperçut un engin diabolique tourner autour de son piédestal.

Epaphos en rut libéra toute la gomme et Tempérancia se mit à danser faisant voltiger les vases de plus en plus haut si bien que l’un d’eux se fracassa en touchant le sol. Plus de tempérance, l’équilibre fut rompu, la terre se mit à trembler, les dieux à gronder, mais rien ne put empêcher la jeune fille d’enfourcher la merveilleuse invention et d’entourer la taille de son demi-dieu pour s’enfuir avec lui loin de sa divine obligation.